L'Association des familles Leclerc fondée en 1963, grâce à l'initiative de M. Cyrille Leclerc qui a su s'entourer d'une équipe dynamique jusqu'en1971. Pendant ces années, plusieurs présidents se sont impliqués. Nous voulons rappeler à votre souvenir un de nos valeureux Leclerc, Robert, aujourd'hui âgé de 93 ans. élu président fin 1965,il fut le responsable, l'animateur et l'accompagnateur des Leclerc en Europe en 1966. Un périple de vingt-deux jours à travers la France, l'Italie et l'Allemagne.
Christian et moi avons tenu à le rencontrer dans son appartement, au Château de Bordeaux sur le Chemin St-Louis, à Québec, où il demeure depuis trois ans. Sa santé limite ses déplacements, mais il conserve une mémoire où les nombreux souvenirs se sont imprégnés et qu'il nous a partagés.
Quelques éléments biographiques permettent de mieux le connaître. Né le 2 mai 1917 à L'Islet- Station, fils de Nilus Leclerc et de Marie M.Deschênes qui ont eu vingt enfants entre 1901 et 1927, dont sept sont encore vivants. Il a commencé l'école, à la maison, en 1923. L'institutrice était sa soeur aînée, Marie-Adèle. « C'était une classe privée pour la famille seulement, la discipline était de rigueur. Lever à 6h30, déjeuner à 7h00. les autres repas à midi et six heures le soir. Au son de la cloche, qui sonnait cinq minutes avant l'heure, tous accouraient se laver les mains, se peigner, se placer debout derrière sa chaise à table, attendre l'arrivée de notre père pour réciter la prière, l'Angélus en latin pour le midi. Ensuite s'asseoir en silence pour le temps du repas. Seulement les grands avaient la permission de parler à table».
En 1931, Robert entre au Collège de Lévis comme pensionnaire. Il devra subir une opération qui bien qu'exécutée avec succès viendra modifier son parcours scolaire. Cette blessure l'obligea à abandonner ses études poursuivies par la suite au collège Dalhousie, Nouveau-Brunswick en 1935. Au cours de l'hiver 1936, il commença à travailler à l'assemblage des métiers à tisser. En avril 1937, sa mère lui propose d'aller chez son frère Auguste à Waterbury, Connecticut et en décembre 1937, elle insiste pour qu'il termine son cours commercial à l'Institut Thomas à Québec. « Elle souhaitait que je prenne en charge l'administration avec mon frère Alfred », dit-il. Dès juin1938, il entre au bureau de la manufacture.
Toute cette grande aventure industrielle avait commencé modestement en 1876, lorsque Alfred, grand-père de Robert, achète un moulin à farine situé à Saint-Cyrille-de-l'Islet et le transforme en atelier de menuiserie. On fait appel à ses services pour fabriquer ou réparer les pièces de métiers. En 1900, Alfred, avec ses fils Nilus et Alphonse forment une société : Alfred Leclerc et fils, fabricants de meubles, d'ameublements d'église, de métiers à tisser et d'ouvrage de bois. En 1902, Nilus achète pour 1700$ la manufacture. En 1924, il met au point un prototype de métier à tisser aux dimensions réduites, pouvant facilement s'installer dans une maison privée.
La seconde guerre mondiale permettra aux métiers Leclerc de sortir du pays et d'atteindre une renommée mondiale. Les hôpitaux militaires commencent à utiliser des métiers à tisser comme moyen de réhabilitation des blessés de guerre. La production augmente rapidement et en 1944, Nilus forme avec ses fils Robert, Alfred, Lucien et Louis La Compagnie Nilus Leclerc inc. Peu de temps après, Nilus se retire des affaires mais conserve la présidence jusqu'à sa mort, le 1er mars 1961.
Robert assure la relève comme directeur général de la compagnie dont il entreprend la modernisation de l'équipement, la réorganisation des ventes et la distribution des métiers pour rentabiliser davantage l'entreprise. Il décide alors de reprendre la fabrication d'ameublement d'église. « Nous avons fabriqué, entre autres, les bancs de la Basilique Sainte-Anne de Beaupré, de la Cathédrale d'Edmonton, de l'église St-Yves à Ste-Foy, St-Pie-X à Limoilou et de St-Mathieu à Montmagny, en érable piqué » nous dira-t-il. Le 9 février 1951, un incendie détruit presque toute la manufacture. On reconstruit et la production reprend dès l'automne. La vente des métiers à tisser connaît un essor considérable. Robert implante donc le nom de Nilus Leclerc inc. sur tous les continents.
L'UNESCO fait appel à Robert Leclerc pour aider les pays en voie de développement. C'est le début d'une carrière internationale qui l'amena à collaborer avec plusieurs pays sur les cinq continents. En 1968, le Bureau International du travail de l'O.N.U. le sollicite pour aller en Iran améliorer les métiers à tisser et autres équipements pour le tissage. L'engagement de six mois se déroule en deux périodes de trois mois avec un retour au pays de trois mois. Il se rendra dans cinquante-deux pays pour aider, développer, faire connaître ses métiers à tisser en les adaptant à leur méthode de travail, tout en respectant leurs coutumes, un mois au Mali, deux mois au Chili et à la Barbade ainsi que chez les Chiapas au Mexique, à la demande du gouvernement. Il a également publié Ourdir et Tisser en cinq langues et plus de 25000 exemplaires de Création en tissage en français et en anglais.
En 1976, la Compagnie Nilus Leclerc inc. fête son centenaire. Entreprise familiale à 94%, elle emploie 95 personnes. De plus, la compagnie est propriétaire de centres de distribution à Plattsburgh, New-York, Sacramento, Californie et Paris, France. Des distributeurs concessionnaires sont présents dans plus de soixante-treize pays à travers le monde dont l'Allemagne, l'Angleterre, l'Australie, la Corée du sud, le Mexique, le Japon.
Travailleur infatigable, administrateur perspicace et grand voyageur, Robert s'implique aussi dans sa communauté : marguillier, conseiller municipal, puis maire pendant six ans. à sa retraite en 1986, il se retire à Québec pour se rapprocher de ses enfants et petits-enfants. Sa femme Gilberte Bélanger, qu'il avait épousée le 7 novembre 1942 et avec qui il avait eu cinq enfants, 3 filles et 2 garçons était décédée l'année précédente, en 1985. Aujourd'hui 10 petits-enfants et 6 arrière-petits-enfants complètent la famille de Robert. Jusqu'en 2007, il continue de voyager pour son plaisir et passe ses étés à son chalet du Lac Trois-Saumons. Il se remarie en 1995 à Françoise Deschênes.
Pour services rendus lors de la fondation du diocèse de Sainte-Anne de la Pocatière, il a été reçu Chevalier de l'Ordre de St-Sylvestre par le Pape Jean XX111.
La Corporation des arts et de la culture de l'Islet a tenu à rendre hommage à cet homme qui a aidé au rayonnement de cette région grâce au métier à tisser qu'on utilise un peu partout sur la planète. Elle a produit un document en 2007, dont je me suis servi pour retracer la carrière de Robert. La Corporation a réalisé en 2010 une exposition itinérante : Les métiers à tisser Leclerc. Nous espérons vous la présenter lors de notre rencontre annuelle, le 14 août. Robert sera invité à se joindre à nous pour des retrouvailles.
« Nous pouvons dire sans hésitation que Robert Leclerc est considéré comme l'un des grands responsables de la renaissance du tissage manuel dans les pays occidentaux.... Il a surtout consacré sa carrière au développement et à la tâche difficile de la promotion d'une activité manuelle dans une société qui privilégie l'industrialisation à outrance. » (1)
(1) E.Schartmann, cité dans Ourdir et tisser de Robert Leclerc
Georges Leclerc (# 002)